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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 11:47
 

Maman est folle...

Hier, elle a braqué le boulanger, armée d'une baguette et d'une bouteille de Jupiler . Elle a crié un aigu « tous à terre, ou j'terrorise » et s'est placée en position kung-fu.

Au début, on l'a pas trop cru ; vêtue de son peignoir en flanelle rose et chaussée de ses pantoufles lâches, elle n'impressionnait guère. Sa chevelure châtain grisonnante échevelée, pour pas dire total explosée, n'était pas plus convaincante.

C'est là que les choses se sont compliquées ; furieuse de ne pas être prise au sérieux, elle a fracassé le chignon de madame Germaine (la femme d'Albert, le passionné de la chaise solide) à grands coups de baguette, baguette en lambeaux dès le 3ème gros « pan dans le chignon ».

Faute de baguette décente, l'agression s'est arrêtée. Un silence respectueux s'est alors installé. C'étaient, selon les témoin, un instant quasi religieux...

Le cerveau du boulanger, jusque là en forme de bouche bée, s'est lentement remis en marche. Et c'est sans surprise qu'il a prononcé la phrase-type de ce genre d'évènements rarissimes : un « Non mais ça va pas ma ptite dame !» offusqué et méprisant, suivi d'un tour des regards des autres clients, en quête d'approbation...

Re-furieuse, maman, plus en pétard que jamais, a lancé à la tête de l'indigné la bouteille de jup'.

Elle a frôlé le bonnet blanc, genre « ici, c'est de l'artisanal ! », et s'est écrasée dans un splash décevant sur un tout beau pain au levain.

C'est à ce moment que je suis entré dans la boulangerie, ignorant tout de ce braquage surréaliste...

Les yeux fous, maman m'a fixé. Son regard était méfiant, elle semblait ne pas me reconnaitre...

Timidement, j'ai dis « maman...?! ». Des larmes sont alors apparues, coulant lentement sur son visage encore beau.

Je me suis approché d'elle. Elle n'a pas bougé.
Délicatement, je lui ai pris la main. Cette main que j'avais connue douce et lisse, fouillant mes cheveux longs d'enfant, était tâchée par l'age, ridée de toute l'histoire du monde, façon parchemin mystérieux.

La voix chevrotante et un peu inquiète, elle a prononcé mon prénom :  « Frédéric... ».

Elle a dégagé sa main de la mienne et m'a enlacé tendrement. Son regard n'était plus fou, les larmes avaient cessés. Et c'est dans un chuchotement plein de malice qu'elle m'a glissé à l'oreille : « allez, dansons sur les pains au chocolat ».

 

Photo : David Carradine, maman et Germaine, en pleine discussion sur le prix de la baguette (Place Tian'anmen, Chine, lors du congrès international de la sculpture en papier mâché, agence « Yes we can »)

 

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